Coronavirus COVID19 - Informations et recommandations

Alger, le 18/03/2020

 

DEMARCHE MEDICO-LEGALE CONSENSUELLE

VIS-A-VIS DU CORONAVIRUS (COVID-19)

 

Préambule :

Apparue en Chine fin 2019, la maladie COVID-19 est causée par le SARS-CoV-2, un virus qui appartient à la grande famille des coronavirus. Très fréquents, ils peuvent aussi bien provoquer un simple rhume qu’une grave infection respiratoire de type pneumonie, à l’origine d’épidémies mortelles comme ce fut le cas avec le SRAS ou le MERS et maintenant avec le COVID-19.

L’Académie Algérienne de Développement des Sciences Médico-Légales (AADSML) a pris acte de ce que l’OMS définit l’épidémie par le virus « Coronavirus - COVID-19 » comme Urgence de Santé Publique de Portée Internationale (USPPI), et vu qu’à ce jour l’Algérie a enregistré 67 cas positifs au COVID-19 dont 06 décès, le président de l’Académie a organisé une journée scientifique au Service de Médecine Légale du CHU Mustapha sous le thème : « Conduite médico-légale consensuelle face au H1N1 & Coronavirus (COVID-19) ».

Cette journée a réuni, des médecins légistes, chefs de service et assistants, ainsi que d’autres spécialistes, radiologue et épidémiologiste, et sont ressortis, après de longues discussions, avec les recommandations qui suivent.

 

1. Concernant la médecine légale des vivants :

  • La consultation médico-légale des victimes de coups et blessures volontaires, des accidents de la circulation ou de la voie publique, ainsi que les expertises médico-légales, se poursuivront comme en temps normal ;
  • Au cas où la situation sanitaire en Algérie se détériorerait, avec un passage au niveau 3, il faut prévoir un arrêt de l’activité de consultation, hormis les urgences médico-judiciaires ;
  • Respect strict des mesures de prévention lors de l’interrogatoire et de l’examen clinique des malades :
  • Garder une distance de prévention, d’au moins un mètre, avec le malade lors de l’interrogatoire ;
  • Porter une bavette et des gants lors de l’examen clinique ;
  • Il serait souhaitable d’installer un système de lavage des mains au savon liquide, pour les malades, les médecins et toute personne visitant le service avant même d’accéder à l’enceinte du service.

 

2. Concernant la médecine légale thanatologique :

  • Information des médecins traitants quant à la rédaction du certificat de constat de décès :
  • Cocher, dans la case du signalement médico-légal, la mise immédiate en cercueil hermétique en raison du risque de contagion ;
  • Apporter une attention particulière à la formulation de la cause du décès (enchainement pathologique, exemple : SDRA consécutif à une infection virale COVID-19 ou à un syndrome grippal…) afin de minimiser les morts de cause indéterminée et par là même les autopsies abusives.
  • Création d’un circuit du cadavre dans les structures de santé (en annexe) ;
  • Proposition d’établir une classification des degrés de risque qu’un cadavre soit contaminant au COVID-19 :
  • Risque très élevé : confirmation de laboratoire (positif au COVID-19) ;
  • Risque élevé : forte suspicion chez un sujet ayant présenté un syndrome grippal dans les deux semaines précédant son décès et qui présente des facteurs de comorbidités ;
  • Risque intermédiaire : sujet jeune, en bon état de santé apparente et ayant présenté un syndrome grippal dans les deux semaines précédant son décès ;
  • Il n’y a pas de risque faible.
  • Mise en bière immédiate, dans une housse mortuaire étanche, en prenant toutes les mesures de prévention et de biosécurité (voir titre 3) ;
  • La toilette religieuse n’est pas préconisée (éviter l’utilisation de toute méthode ou produit pouvant générer des éclaboussures ou des particules aérosols) ;
  • Réservation d’un véhicule dédié au transport des cadavres positifs au COVID-19 ou susceptibles de l’être, en prenant toutes les mesures de prévention et de biosécurité (voir titre 3) ;
  • Réservation de cellules réfrigérantes, à température négative, dédiées à la conservation des cadavres positifs au COVID-19 ou susceptibles de l’être ;
  • Ne pas pratiquer l’autopsie médico-judiciaire pour les personnes décédées d’une cause indéterminée et suspectées d’être positives au COVID-19, dans le contexte pandémique actuel ;
  • Procéder uniquement à un examen médico-légal du cadavre et en délivrer un certificat ;
  • La pratique de l’autopsie, devant une mort violente, se fera dans le respect strict des mesures de prévention et de biosécurité ;
  • Les prélèvements nasopharyngés et oropharyngés se feront en fonction de leur nécessité et de la disponibilité des kits de prélèvement.

 

3. Les mesures de prévention et de biosécurité à prendre lors de toute manipulation d’un cadavre positif au COVID-19 ou suspecté de l’être :

Ces mesures s’inspirent du guide provisoire pour la collecte et la soumission des prélèvements post-mortem chez les personnes décédées suspectées d’être infectées par COVID-19, préconisé par the Centers for Disease Control and Prevention (CDC).

  • Concernant l’équipement et les moyens de protection :
  • Porter des gants en nitrile, doublés, lors de la manipulation de matières potentiellement infectieuses ;
  • Porter une camisole à manches longues imperméable, doublée d’un tablier imperméable ;
  • Utiliser un masque à visière et des lunettes pour protéger le visage, les yeux, le nez et la bouche des éclaboussures de fluides corporels potentiellement infectieux.
  • Concernant la pratique de l’autopsie :
  • Eviter l’utilisation de la scie oscillante (procédure de génération de particules aérosols) ; si la scie est utilisée, s’assurer de la mise en place d’un système d’aspiration efficace ;
  • Autoriser une seule personne à la dissection et limiter le nombre de personnes travaillant en salle d’autopsie au strict minimum ;
  • Eviter tout contact direct avec des matières infectieuses.
  • Concernant les prélèvements :
  • Un écouvillonnage nasopharyngé des deux orifices narinaires et un écouvillonnage oropharyngé ;
  • Utiliser le kit de prélèvement destiné à cet usage ;
  • Garder le prélèvement à 2-8° et le transporter dans une glacière.

 

  • Après l’autopsie :
  • Jeter l'équipement utilisé dans le bac à linge ou à déchets approprié ;
  • Se laver les mains à l'eau et au savon pendant 30 secondes ;
  • S’assurer que les installations pour l’hygiène des mains sont facilement accessibles ;
  • Lors de la désinfection de la salle d’autopsie, utiliser le même équipement de protection et garder le système de ventilation actif ;
  • Eviter l’utilisation de toute méthode ou produit pouvant générer des éclaboussures ou des particules aérosols lors de la désinfection et préférer l’utilisation de matériel absorbant pour collecter les liquides contaminés et des solutions ou des produits désinfectants adéquats.

 

4. Autres mesures :

  • Attention à la gestion rationnée et raisonnable du matériel et des équipements (bavettes, masques, gants, gel hydroalcoolique…) ;
  • Attention à l’épuisement professionnel du personnel médical : préconiser, si possible, un programme de roulement par groupe ;
  • Dans le cas où un confinement est installé, avec passage de la situation sanitaire au niveau 3, prévoir la centralisation de la gestion des cadavres par désignation d’une seule structure (concernant la wilaya d’Alger).

 

Cette démarche et recommandations consensuelles peuvent être aménagées et des modifications peuvent être apportées si nécessaire, en fonction des évaluations périodiques et de l’évolution de la situation sanitaire et pandémique en Algérie.

 

Références :

  • Notes du Ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme Hospitalière, relative à l’infection par le nouveau coronavirus (COVID-19) ;
  • Interim Guidance for Collection and Submission of Postmortem Specimens from Deceased Persons Under Investigation (PUI) for COVID-19, February 2020. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) – Department of Health and Human Services – U.S. 08/03/2020 ;
  • Michael Osborn, Sebastian Lucas, Ruby Stewart, Ben Swift, Esther Youd. Briefing on COVID-19. Autopsy practice relating to possible cases of COVID-19 (2019-nCov, novel coronavirus from China 2019/2020). The Royal College of Pathologists. February 2020 ;
  • G. Kampf, D. Todt, S. Pfaender, E. Steinmann. Persistence of coronaviruses on inanimate surfaces and their inactivation with biocidal agents. Journal of Hospital Infection 104 (2020) 246-251 ;
  • https://gisanddata.maps.arcgis.com.

Etaient présents lors de cette réunion :

  • Pr. R. BELHADJ, Service de Médecine Légale, CHU Mustapha
  • Pr. K. BOUSSAYOUD, Service de Médecine Légale, CHU Bab El Oued
  • Pr. K. MESSAHLI, Service de Médecine Légale, CHU Blida
  • Pr. A. SBAIHI, Service de Médecine Légale, CHU Rouiba
  • Pr. F. KAIOUS, Service de Médecine Légale, CHU Annaba
  • Pr. C. AIMEUR, Service de Radiologie, CHU Mustapha
  • Pr. D. AZZOUZ, Service de Médecine Légale, CHU Mustapha
  • Dr. R. BELAOUDMOU, Service d’Epidémiologie et de Médecine Préventive, CHU Bab El Oued
  • Dr. M. BENYAGOUB, Service de Médecine Légale, EPH Laghouat
  • Dr. S. BEKKOUCHE, Service de Médecine Légale, CHU Douéra
  • Dr. Y. KAMEL, Service de Médecine Légale, CHU Mustapha
  • Dr. I. BEKKOUCHE, Service de Médecine Légale, CHU Mustapha
  • Dr. H. OUAHIB, Service de Médecine Légale, EHS Salim Zmirli

 

Président de L’Académie Algérienne

de Développement des Sciences Médico-Légales

Pr. R. BELHADJ

 

 

ANNEXE

CIRCUIT DES CADAVRES CONTAMINES AU COVID-19 OU SUSPECTES DE L’ETRE

SERVICE DE MEDECINE LEGALE – CHU MUSTAPHA

 

Devant le contexte pandémique et la situation sanitaire actuelle que vit l’Algérie, un circuit dédié à la gestion des cadavres contaminés au COVID-19 ou suspectés de l’être a été créé au sein du CHU Mustapha. Il est structuré comme suit :

1. Cas des cadavres contaminés au COVID-19 (confirmation par le laboratoire) :

  • Mise en bière immédiate, dans une housse mortuaire étanche, en prenant toutes les mesures de prévention et de biosécurité ;
  • La toilette religieuse n’est pas préconisée (éviter l’utilisation de toute méthode ou produit pouvant générer des éclaboussures ou des particules aérosols) ;
  • Le personnel devant s’occuper du transport du cadavre (le personnel de la morgue, brancardier, ambulancier) doit s’équiper de gants en nitrile, d’une combinaison imperméable, de lunettes et de masque pour protéger les yeux, le nez et la bouche ;
  • Le transport du cadavre à la morgue se fera dans une ambulance non médicalisée destinée à cet effet ;
  • La conservation des cadavres se fera dans des frigos à température négative, dans une morgue destinée à cet effet, sise à l’emplacement de l’ancien incinérateur du CHU Mustapha.

 

2. Cas des cadavres suspectés d’être contaminés au COVID-19 :

  • Information des médecins traitants quant à la rédaction du certificat de constat de décès :
  • Cocher, dans la case du signalement médico-légale, la mise immédiate en cercueil hermétique en raison du risque de contagion ;
  • Apporter une attention particulière à la formulation de la cause du décès (enchainement pathologique, exemple : SDRA consécutif à une infection virale COVID-19 ou à un syndrome grippal…).
  • En cas de doute, demander avis au médecin légiste. Le service de médecine légale est de garde 24H/24 et 7J/7 ;
  • Le médecin légiste prendra attache avec le médecin traitant, étudiera le dossier médical du défunt et l’histoire de sa maladie avant de remplir le certificat de constatation du décès. Ceci afin de minimiser les morts de cause indéterminée et par là même les autopsies abusives ;
  • Dans le cas où le médecin légiste doit examiner le cadavre, cet examen se fera aux urgences, avant le transport du cadavre, en s’équipant en conséquence et en prenant toutes les mesures de prévention nécessaires ;
  • Le transport et la conservation des cadavres hautement suspects d’être contaminés au COVID-19, se feront pareillement que pour les cas confirmés.